Depuis 15 jours les yeux sont braqués sur la météo du 6 juillet : beau temps, pluie, beau temps dans une alternance pleine de promesses. Tous les espoirs sont permis mais ce matin le ciel est baché, menaçant. Au point de rendez-vous les conversations tournent sur le sujet : La météo annonce du beau temps jusqu'à 17 h, des orages ensuite... Il faut savoir la lire : beau temps le matin donc il pleut, c'est normal, des orages en fin d'après-midi donc on aura du soleil... C'est depuis qu'ils ont recours à l'inintelligence artificielle, on voit le résultat !
Échange de saluts, on se revoit avec plaisir, y compris le chien. Sage, obéissant, adorable, depuis des années il participe aux sorties SFO et après cinq jours intensifs dans l'Aveyron il est devenu un expert orchidophile. Un brave homme de chien en somme...
Pra Premier
Après le quart d'heure de grâce au bénéfice des retardataires on embarque dans les voitures.
Ô bruit doux de la pluie par terre et sur les toits ! Sur le pare-brise aussi, ô le chant de la pluie.
Elle nous accompagne tout au long de la piste qui monte à Pra Premier et cesse gentiment quand nous arrivons. Une vaste étendue plane et horizontale s'offre à nous bordée d'une casse dominée par une haute falaise avec plus loin un piton rocheux doté d'une via-ferrata. Entre les deux une gorge particulièrement étroite. Au milieu un chalet pensif songe à son existence au temps béni où n'avait pas été inventé le permis de construire. Que vient donc faire ici, à 2 050 m, cette esplanade qui n'a pas son pareil ?
Mais il faut se mettre à l'ouvrage car comme dit le dicton local : bientôt il fait nuit et on n'a rien fait.
L'Échaillon – Le Collet
Les 130 m de dénivelée qui conduisent à l'Échaillon sont vite gravis... par les premiers. Mais les autres suivent bien entendu. En les attendant on contemple le paysage. Contrairement à ceux de la télé, il n'est pas à couper le souffle mais néanmoins somptueux avec son cirque de montagnes dont les plaques de cheveux blancs témoignent de leur grand âge. Un torrent descendu du col des Ayes a comblé en partie une sagne en contrebas où des constellations de dactylorhizes piquent de leurs fleurs pourpres le tapis vert où elles sont nées. Orchis de mai (Dactylorhiza majalis) ou orchis alpestre (Dactylorhiza alpestris) ? Assurément ils se ressemblent mais le ton pourpre violacé foncé de l'inflorescence fait pencher pour l'orchis alpestre lequel s'épanouit de 1 500 à 2 500 m alors que l'orchis de mai plafonne à 1 800.
Les photographes s'activent sereinement. Ici pas de file d'attente, chacun trouve le sujet de son choix au milieu de plusieurs centaines de fleurs. De plus l'orchis alpestre se retrouve en abondance le long du chemin qui conduit au Collet lequel sera le point culminant du parcours. Il prend ses aises au bord du ruisseau mais laisse quand même une petite place (pas bien grande assurément) à l'orchis de Fuchs (Dactylorhiza fuchsii) et sur ses berges fleurit la nigritelle de Cornélia (Gymnadénia corneliana).
Il suffit de monter un peu dans la prairie qui domine le vallon pour trouver en abondance l'orchis grenouille (Coeloglossum viride devenu aujourd'hui, on n'arrête pas le progrès, Dactylorhiza viridis) et surtout des nigritelles. Parmi celles-ci certaines attirent l'attention, peut-être est-ce leur but, avec leur belle robe rouge. On se perd en conjectures : nigritelle de Cornelia forme bourneriasii ou orchis vanille (Gymnadenia rhellicani) ? La distinction est d'autant plus délicate que la floraison en est à ses débuts et que de nombreux pieds sont encore en boutons. Prudemment on laisse débattre les savants et on attend le verdict. Il intervient bientôt : 50% des voix pour bourneriasii, 50 % pour rhellicani. Bon, on est bien avancé ! Il n'y a plus qu'une solution : consulter le chien. Mais celui-ci les yeux mi-clos s'imprègne de la grandeur du paysage. Impossible de le perturber dans sa méditation.
Il faut donc passer à autre chose, par exemple à ces orchis globuleux (Traunsteinera globosa). Ils agitent leur pompon rose dans le vent qui vient à travers la montagne et qui, paraît-il, nous rendra fou.
Et puis il y a aussi les orchis sureau (Dactylorhiza sambucina) jaunes et rouges et même la forme zimmermanii, et perdu dans son coin, triste à en mourir, un orchis à deux feuilles (Platanthera bifolia). Il a atterri là par mégarde et pleure ses congénères.
Il est temps de redescendre par un sentier qui mène jusqu'aux voitures. Les nigritelles de Cornélia le jalonnent jusqu'en bas et nous font une haie d'honneur à l'arrivée, juste avant de nous laisser passer pour rejoindre les véhicules (et les casse-croûtes sacrebleu) à Pra Premier.
Repas en commun chacun dans son coin. Non pas tout à fait. Le ciel tient toujours bon. Un superbe Gypaète barbu, avec ses près de 3 m d’envergure, passe juste au-dessus de nos têtes !
Le Queyron
Mais les voitures sont là. Elles nous conduisent, sous la pluie revenue, au Queyron d'où la vue est si belle sur la vallée du Guil. Mais pas de chance la brume s'est installée, on ne voit rien.
Une vaste pâture en pente conduit à une belle station de dactylorhizes. Las les brebis sont déjà passées par là et ont tout mangé. Décidément l'après-midi s'annonce mal. Heureusement elles ont oublié un carré d'orchis moucheron (Gymnadenia conopsea) et un autre d'orchis rouge sang (Dactylorhiza cruenta). Et puis plus loin on débusque une listère à feuilles ovales (Neottia ovata) qui se croyait bien tranquille dans les hautes herbes avec son costume vert.
Traversée d'un autre pré où le talus qui domine le sentier s'est effondré en trois endroits sous les pluies du printemps. Les orchis mignons ou brûlés, au choix, (Neotinea ustulata) qu'on trouvait à ses pieds (du talus bien sûr) ont disparu. Tous ? Non, l'oeil affuté d'un participant en découvre un, puis un deuxième.
Plus loin changement de décor. On entre dans une forêt de résineux où l'ambiance est plutôt sèche et très vite un orchis de Spitzel (Orchis spitzelii), en éclaireur non loin de la lisière, nous fait signe. Il y a si longtemps qu'il attend notre visite qu'il en est presque fané, mais pas trop quand même aux dires des photographes. Le gros des troupes est plus loin, dit-il, disposé le long du sentier. Nous les verrons effectivement plus tard. Mais auparavant la famille Céphalanthère nous fait l'honneur des lieux. Sont là le céphalanthère à grandes fleurs (Cephalanthera damasonium), le céphalanthère à longues feuilles (C. longifolia) l'un et l'autre aspirant visiblement à terminer la saison contrairement à leur petit frère, le superbe céphalanthère rouge (C. rubra) nommé poétiquement petit oiseau rouge des bois par nos voisins allemands, qui vient tout juste d'épanouir ses premières fleurs.
Partout l'épipactis pourpre noirâtre (Epipactis atrorubens) en boutons occupe le terrain - sa floraison s'annonce magnifique - sans parvenir à cacher complètement ses cousins, l'épipactis à larges feuilles (E. helleborine) et sa variété minor ainsi que l'épipactis à feuilles écartées (E. distans) encore en rosette.
C'est terminé. Aux dires des sachants on a tout vu. Tout vu ? Non ! Là-haut sur le talus se dresse un superbe limodore aux feuilles avortées (Limodorum abortivum), grand, solide, encore en boutons. Banal ? Pas si sûr. On est à 1800 m et d'après Bournerias il culmine à 1800 m. Il est là à son apogée. Cela mérite bien un encouragement. “Tiens bon camarade !“.
À la voiture la pluie nous attend. Les adieux sont brefs. Un dernier au-revoir et c'est fini.
Quelques photos prises durant la sortie :
Quelques photos d'ambiance :
Autres espèces observées :
Liste des espèces rencontrées :
17 espèces sans compter les formes particulières.
1ère station :
Dactylorhiza alpestris
Dactylorhiza fuchsii
Dactylorhiza sambucina
Dactylorhiza sambucina f. rubra
Dactylorhiza sambucina f. zimmermanii
Gymnadenia conopsea
Gymnadenia corneliana
Gymnadenia corneliana f. bourneriasii
Gymnadenia rhellicani
Platanthera bifolia
Traunsteinera globosa
2nd station :
Cephalanthera damasonium
Cephalanthera longifolia
Cephalanthera rubra
Dactylorhiza cruenta
Epipactis atrorubens
Epipactis distans
Epipactis helleborine
Epipactis helleborine var. minor
Gymnadenia conopsea
Limodorum abortivum
Neottia ovata
Orchis spitzelii
La traditionnelle photo de groupe :
Liste des participants (11):
BLAIS Hélène et Pierre-Michel, DAVIET Bruno, DELORGE Simone et Jean-Claude,
DUCHÉ Nadine et Jacques, GAZZANIGA Virgile, GUIMBERTEAU Anne et Jacques,
GUILLOUARD Gérard, PAUCHER Pierre, PINEAU Annie et Michel,POIRIER Roger,
RAIBAUT Diane et Louis, ROLLAND Monique et Robin, SUZOR Maryse et Christian