Plateau de Sioux-Blanc, dimanche 21 mai 2017

Nous sommes 45 au rendez-vous de Solliès-Toucas, petit village de l’arrière-pays toulonnais situé dans la vallée du Gapeau, renommé pour ses vergers de cerisiers et de figuiers. Ce ne sont pas les fruits qui nous attirent aujourd’hui, mais le Plateau de Siou Blanc, célèbre pour recéler un trésor parmi les orchidées européennes, le très rare et endémique local Ophrys philippi. Le temps est avec nous, grand beau mais pas de grosses chaleurs.

Un covoiturage raisonné nous conduit sur le plateau, avec un premier arrêt près de l’Aven de la Solitude. Il n’est pas consacré à cette merveille mais plutôt à quelques autres espèces plus communes mais tout aussi intéressantes. Nous découvrons par exemple un pied d’un Ophrys très proche de O. pseudoscolopax, bien fleuri, au labelle pendant et ouvert. Autre espèce, Ophrys virescens est en fin de floraison, mais on remarque bien son petit labelle tout rond aux bords relevés et bordés de jaune. Il est à noter que son locus classicus ne se situe qu’à environ 8 km de là, entre le Faron et la Coudon. Un beau bouquet de Neottia nidus-avis bien fleuries fait le bonheur des photographes, et on trouve aussi quelques Cephalanthera damasonium, Orchis anthropophora en fin de floraison, et une dizaine de Platanthera bifolia en tout début de floraison. Parmi ceux-ci, 3 pieds robustes et très fleuris attirent notre attention : les pollinies sont bien parallèles, mais très écartées, et le bout de l’éperon est très aplati. Pas de doute, il s’agit de Platanthera x hybrida, l’hybride avec P. chlorantha, espèce rare sur le plateau. Une touffe d’Epipactis microphylla en bouton trouvée de l’autre côté de la route complète le tableau, avec quelques Anacamptis pyramidalis aussi en bouton et un Himantoglossum robertianum en fruit.

Une marche d’une demi-heure nous amène dans une zone de la Forêt Domaniale de Morières-Montrieux située sur la commune de Méounes-les-Montrieux où l’Ophrys philippi abondait autrefois, principalement dans les zones rocheuses karstiques. On a compté jusqu’à près de 115 pieds au maximum selon les années (et les sangliers !), mais depuis une demi-douzaine d’années, les gestionnaires du site (comme de l’ensemble du plateau d’ailleurs) ont décidé de faire pâturer des bovins de l’automne au printemps, comme aide au débroussaillage. L’impact de cette fréquentation ne s’est pas fait attendre, et la population des O. philippi a beaucoup diminué : malgré toutes les recherches de notre groupe pourtant imposant et compétent, nous n’avons trouvé que 25 pieds, situés d’ailleurs principalement dans les bois clairs de chênes débroussaillés en bord de chemin : nous n’avons compté que 4 pieds dans les zones originelles karstiques ! L’impact est d’ailleurs général sur les espèces d’orchidées : nous n’avons compté par exemple que 3 Neotinea tridentata, alors que la population dépassait les 60 pieds il y a 10 ans. Les seuls à résister sont les Cephalanthera rubra, 13 pieds trouvés dans les sous-bois. Pour le reste, ce ne sont que quelques individus çà et là : 1 Cephalanthera damasonium, 1 Epipactis microphylla, 2 Ophrys scolopax, 1 Orchis olbiensis fané et 1 Platanthera bifolia en feuilles. Seule nouveauté pour la zone, un pied de Neottia nidus-avis bien fleuri.

Tout autour de la zone de la ferme de Siou Blanc, sur la commune de Signes, le constat est le même : la population d’Ophrys philippi, déjà plus restreinte, est passée d’une vingtaine de pieds à 3. Même chose pour les Orchis anthropophora passés de 150 à une douzaine, les Epipactis helleborine (70 à 4), les Limodorum abortivum (35 à 4)… Quand aux très nombreux Ophrys virescens, on n’en a pas observé un seul, alors que la population comptait près de 200 pieds il y a 10 ans ! Pourtant l’année semble correcte pour cette espèce : au premier arrêt, on en a compté une dizaine sur un potentiel de 20 sur la station. Par contre, comme pour la précédente station, il semble que certaines espèces résistent mieux au bord des chemins, comme Anacamptis fragrans, Cephalanthera damasonium et C. rubra. On observe même un C. longifolia avec 2 ou 3 fleurs encore potables. Une nouveauté pour la station, 2 pieds d’Epipactis distans commencent à faire la crosse. Sur le chemin du retour, tout près des voitures sur le bord de la piste dans un bois clair de chênes, 2 gros Ophrys scolopax nous interpellent. Il pourrait s’agir de l’O. quercophila récemment décrit de l’Hérault et du Gard (nom modifié sur avis de la CIN), après une discussion avec l’un des descripteurs (M. Nicole). Et enfin, tout à côté, une belle surprise : 2 pieds d’Ophrys druentica en fin de floraison, tout à fait caractéristiques mais très loin de leurs bases connues. Le plateau de Siou Blanc n’a pas fini de nous délivrer de belles surprises : raison de plus pour le protéger de toute urgence.

Après le pique-nique pris en commun (et très revigorant), et la traditionnelle photo de famille, nous redescendons dans la vallée pour prospecter sur la station « historique » de Belgentier, là même où j’ai observé pour la première fois l’Ophrys philippi en mai 2000. Si le pied vu à cette époque a disparu depuis, la population se maintient très bien malgré les visites incessantes durant la saison : une quarantaine de pieds, très diversifiés, avec un exemplaire à la macule très « scolopax » trouvé par Diane. Le pied un peu esseulé découvert par François tout en haut vers le portail est fleuri. L’observation de la bonne santé de la population d’Ophrys philippi sur cette station confirme par ailleurs l’impact de la pression de l’élevage bovin sur les populations du plateau. Autres espèces très présentes et peu vues sur le plateau, en début de floraison, Ophrys apifera et Anacamptis pyramidalis (+ de 70 pieds de chaque). Enfin, Serapias vomeracea finit sa floraison et la vingtaine de pieds montre que lui aussi peut être diversifié dans sa morphologie !

Fin de la sortie à 17 h 30, après l’observation de 22 espèces (dont une nouvelle espèce pour le Var) et d’un hybride (également nouveau pour le département). Malgré tout, la journée a été riche en observations, et on a eu quelques belles surprises !